Mercredi 9 mai 2012
 | Météo : un beau soleil - des températures idéales pour grimper - un vent assez fort au sommet. Distance parcourue : 24,2 km Distance parcourue depuis Cahors : 428,9 km Distance cumulée : 1460,9 km Province : Navarre en Espagne.
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« Tout ce qui monte converge »
Pierre Teilhard de Chardin (1881 - 1955)
L'étape mythique du chemin !
Quand je suis descendu ce matin la rue de la citadelle, puis la rue d'Espagne, je n'ai pas entendu un seul mot de français; Japonais, Anglais, Australiens, Allemands, Espagnols, Portugais... rangeaient leur sac, se préparaient à partir... vers Roncevaux.
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| C'est par la porte d'Espagne de St-Jean-Pied-de-Port que passent tous les pèlerins depuis la fin du Xème siècle, depuis que Godescalc, évêque du Puy, a "ouvert" ce qui va devenir le "camino francès", le chemin des francs. |
Quand, lacets après lacets, tête baissée, j'ai grimpé vers le col de Lepoeder (1430 m), je voyais les ombres de tous ceux qui m'ont précédé. Les Celtes d'abord puis les légions romaines du consul Auguste vers 50 avant JC. Au moment des grandes invasions, les Vandales et d'autres y passèrent. Les musulmans d'El-Raman le franchirent avant d'être arrêtés à Poitiers en 732. Et c'est là qu'en 777, Charlemagne franchit les Pyrénées mais ses troupes furent repoussées à Saragosse. Sur le chemin du retour, elles ruinèrent les murailles de Pampelune, et au passage du col, des Basques, à la nuit tombée, tendirent une embuscade à leur arrière-garde. Tous les soldats francs furent massacrés et leur convoi, pillé. Parmi eux se trouvait Roland, préfet de la marche de Bretagne. Cet épisode historique donna naissance à la Chanson de Roland. Enfin en 1813, les troupes de Napoléon se replient devant les forces anglaises de Wellington. Et, depuis le Xème siècle, à la suite de l'évêque du Puy, Godescalc, qui va ouvrir ce qui va devenir le Camino Francès (chemin des Francs), des milliers de pèlerins ont franchi ce col.
Aujourd'hui, en levant les yeux, derrière moi, devant moi, des dizaines et des dizaines de pèlerins, avancent pas à pas... Des sourires, des saluts, des remerciements parce que je les ai pris en photo, des mots gentils dans toutes les langues, des "bueno camino"... Une forme de solidarité internationale, de fraternité a remplacé la fureur des armes. Décidément, tous les jours, le chemin me montre un autre visage.
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| St-Jean-Pied-de-Port semble déjà loin ! Mais que ce fut dur les deux premiers kilomètres (les 500 premiers mètres de dénivellé) ! |
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| Près du refuge d'Orisson, les alpages sont parcourus par les brebis qui fournissent un excellent fromage basque et par les chevaux sauvages (les pottoks). |
J'ai revu Michèle et Michel, le couple alsacien, rencontré juste après Moissac sous la pluie. Mais surtout, à Ostabat, j'ai rencontré un Mosellan de souche qui a fréquenté le lycée Poncelet au début des années 60. Il a quitté la région à la mort de son père tué à la mine. Il habite à Agen aujourd'hui mais de temps en temps, il revient voir des amis dans sa Lorraine natale. Aujourd'hui, il quitte le chemin après avoir atteint son objectif.
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| Le chemin s'est vraiment internationalisé. Un groupe de Japonais avec des tenues assez différentes des nôtres : certains portaient des gants, des fichus, des foulards et même des chapeaux très typiques. On m'a souvent salué à la mode japonaise. |
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| J'ai déjeuné au col de Lepoeder en compagnie d'un jeune Allemand qui vient de parcourir une partie du monde depuis 26 mois : Afrique, Australie, Asie. Hier, il est arrivé à St-Jean-Pied-de-Port venant de Bangkok. Il termine son périple en allant à St-Jacques à pied mais en revenant à vélo... jusqu'à Cologne où il réside ! |
Beaucoup d'épisodes heureux ou malheureux ont marqué la montée vers le col et la descente sur la collégiale (très belle dans une forêt de hêtres, mais très raide).
Un parmi d'autres : au lieu-dit Karossa Uskali (carosse renversée), le 6 janvier 1560, Élisabeth de Valois, 15 ans, fille de Henri II, roulait vers l'Espagne pour y épouser le roi Philippe II, quand une voiture de son escorte se renversa. La princesse en sortit indemne, arriva à Roncevaux, y vit 400 pèlerins et leur versa 3 réaux chacun. Quel beau geste pour une future reine !
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| La Vierge de Biakorri (Vierge d'Orisson) à 1000 m d'altitude. "Biakorri" est un nom de lieu, se traduisant par "les vents qui courent". Effectivement, le vent soufflait très fort. |
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| La Croix Thibaut. J'avais l'impression de me trouver dans les montagnes du Népal ! |
Roncevaux ! Qui n'a entendu ce mot en France, en Europe voire dans le monde !
L'hôpital Notre-Dame de Roncevaux fut fondé en 1132 et tenu par les chanoines de St-Augustin. Au XVIIIème siècle, l'hôpital servait encore, annuellement 20 000 rations aux pèlerins, soit plus de 50 rations par jour.
Ce soir, nous sommes plus de 200 dans un gîte inauguré l'an dernier, hyper-fonctionnel !
Les édifices religieux de Roncevaux sont toujours tenus par des ecclésiastiques; c'est le seul ensemble de toute l'Espagne qui n'a pas été sécularisé à la fin du XIXème siècle. 16 personnes y habitent dont la moitié sont des ecclésiastiques.
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| La chapelle St-Jacques à Roncevaux |
J'ai eu le temps de visiter la célèbre Collégiale Royale dont la construction fut entreprise par Sanche VII le Fort en 1207 : ce monument est l'un des hauts lieux du chemin de St-Jacques. L'ancienne salle capitulaire de son cloître conserve le gisant de Sanche le Fort et les chaînes, présentes sur le blason de la Navarre, qui entouraient la tente de Miramamolin, le chef almohade vaincu à la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212...
Je vais m'arrêter là tout en vous rappelant cet extrait du célèbre poème d'Alfred de Vigny :
Ames des chevaliers, revenez vous encor ?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ?
Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée,
L'ombre du grand Roland n'est pas consolée.