Ma position

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Distance parcourue : 2322 km
(1290 km depuis Cahors)
Distance parrainée : 3082 km
(1990 km depuis Cahors)

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Holbach - Santiago

 St-Avold, vendredi 15 mars à 20h. Près d'une centaine de personnes était venue pour assister à ma conférence sur le chemin des étoiles: les membres de ma famille, des amis de longue date qui m'ont suivi sur le blog, qui m'ont soutenu tout au long de mon périple, d'anciens élèves dont certains que je n'avais plus vus depuis 40 ans, d'anciens pèlerins dont des membres de l'association des Amis de St-Jacques de Lorraine, Michèle et Michel, le couple alsacien que j'avais rencontré lors du deuxième tronçon.....

 

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Anciens et futurs pèlerins aux côtés de mes amis de toujours.  

 

2232 km, trois tronçons (automne 2011, printemps et été 2012), un total de 133 jours dont 107 jours de marche, 17 jours de repos et 9 jours de voyage !

Six mois après mon retour, en relisant ce blog, j'ai pu dégager quatre thèmes principaux.

Bien sûr, les paysages extrêmement variés qui m'ont procuré  des moments exceptionnels, de toute beauté, chargés d'une très forte émotion...

L'extaordinaire patrimoine culturel (avant tout cultuel) du chemin: les merveilles gothiques mais surtout romanes. A son âge d'or, du XIème au XIIIème siècle, le chemin, un immense chantier, est "la grande université du Moye-Age" Jean Claude Bourlès.

En évoquant les haut-lieux du chemin (Roncevaux, La Crux del Ferro, le Cebreiro et bien sûr, Santiago), j'ai mis l'accent sur le merveilleux, le surnaturel qui poussa des milliers d'hommes, ces marcheurs de Dieu, sur le chemin.

 

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La collégiale St-Barthélémy de Pimbo (Landes), bastide anglaise du XIIème siècle.
Beaucoup de décors sculptés comme les modillons du chevet roman. 

 

Enfin, je n'ai surtout pas oublié cette ambiance si particulière qui fait que le le chemin des étoiles n'est pas un GR comme les autres. Mon chemin fut un long chassé-croisé de rencontres, séparations, pertes et retrouvailles.

J'ai rencontré des centaines de personnes, venus de tous les continents avec lesquels j'ai ri, partagé des repas, abordé des sujets parfois très sérieux, que j'ai aidées de temps en temps, qui m'ont aidé...

Pendant plus de trois mois, je me trouvais dans une forme de société provisoire, nomade, établie sur des valeurs humaines et sociales différentes de celles que je trouve dans mon quotidien: esprit de solidarité, échanges de culture, tolérance, respect, écoute des autres, partage...

 

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A la Virgen del Camino (Leon), des personnes de tous pays étaient rassemblées autour de la table :
Evert (Hollande) - Carlo (Italie) - Aoki (Japon) - Jean Paul (France) - Willie et son époux Jan (Hollande)

 

Le chemin de Compostelle n'est plus seulement un chemin chrétien. Il est devenu un bien commun à toute l'humanité. Il est universel , tout comme les valeurs qu'il véhicule.

 

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Avec Jacques Gallant, trésorier de l'AMDM que j'ai parrainée.
Une réussite: pour 2232km, 3082€ ont été versés à l'association.

 

Je terminerai par cette citation de Jean Claude Bourlès que je partage sans réserves.

"Je ne crois pas à la présence des restes de l'apôtre à Santiago. Mais je trouve son absence beaucoup plus belle, plus forte, car alors, le pèlerinage s'inscrit dans une idée, dans l'imaginaire pur, et transcende encore plus celui qui l'accomplit. J'ai marché sur un chemin sacré par la seule présence des hommes qui m'ont précédé et dans les pas desquels j'ai posé des centaines de milliers d'empreintes, aussitôt envolées, oubliées"

 

 

 

 

 


 

Dimanche 7 octobre 2012, 8h du matin; il fait encore nuit, je suis seul sur le parvis de la cathédrale de St-Jacques de Compostelle, place de l'Obradoiro. Les images se bousculent dans ma tête... L'aboutissement d'un rêve né il y a 10 ans !

 

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  Nature, hommes, pierres m'ont accompagné tout au long du chemin.

 

C'est sur le GR20 en Corse, en compagnie de Jean François, que l'idée a germé. « Faire le chemin de St-Jacques » était aussi de plus en plus à la mode au début des années 2000. Bien entendu, les objectifs ont évolué. En 2007, l'année de ma retraite, je me considérais avant tout comme un randonneur, même si je me posais déjà des questions spirituelles et religieuses. La tendinite, puis ma périostite ont changé la donne. C'est donc avec plus d'humilité et de patience que j'ai repris les bâtons, l'an passé, le 7 août... et depuis mon domicile à Holbach (Moselle).

 

Pendant ces 2322 km, j'ai souvent pensé à ces milliers de pèlerins qui, au Moyen-Age surtout, marchaient pour Dieu, pour expier des fautes, à la suite d'un voeu, pour obtenir une faveur... C'était une autre époque ! (pas révolue pour tous cependant; le chemin me l'a prouvé).

Personnellement, j'ai d'abord marché pour moi, parce que j'aime la randonnée, j'aime la nature. La marche me permet la réflexion, la méditation. Par ailleurs, j'ai toujours aimé me lancer des défis. Mais, j'ai aussi marché pour tous ceux qui ont du mal à se déplacer; certains de mes proches, des pèlerins qui souffraient... Enfin, j'ai marché pour les enfants de Madagascar, pour qu'ils puissent grandir dans un environnement plus correct, plus décent. Pourquoi n'auraient-ils pas les mêmes chances que les enfants des pays occidentaux ?

 

Aujourd'hui, une quinzaine de jours après mon retour parmi les miens, « j’atterris lentement ». Mais, contrairement à ce que j'entends par ci, par là, je n'ai aucun « blues ». Ces trois tronçons (1000 km, 400 km et enfin 800 km), ces 110 jours de marche, une vingtaine de jours de repos et de voyage... m'ont comblé au-delà de toutes mes espérances !

 

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8h du matin sur l'Alto de Mosterales (Castille - Espagne)

 

J'ai assisté à des spectacles de la nature d'une rare intensité: les immenses forêts de Bourgogne, le panorama à 360° du haut du Suc au May dans les Monédières en Corrèze; malgré les pluies du printemps, j'avais très souvent devant moi une vue imprenable sur les Pyrénées recouvertes d'un manteau blanc; le pays basque, la montée du col de Roncevaux sous un soleil magnifique, mais c'est surtout le dernier tronçon en Espagne qui m'a enchanté: la Voie Lactée sur la Meseta, les levers de soleil sur ce « désert humain », sur la Sierra del Pardon, la Crux del Ferro, le Cebreiro... La nuit d'encre, sans lune et sans étoile dans les Montès de Oca... Les 17 km de chemin, sans village, sur une ligne droite,... Et j'en oublie !

 

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 La chaîne des Pyrénées au printemps dernier après Arzacq-Arraziguet (Pyrénées Atlantiques)

 

Ces moments exceptionnels de solitude dans un cadre tout aussi exceptionnel m'ont permis la réflexion, la méditation. Je mesurais pleinement toute la chance que j'avais de pouvoir avancer ainsi tous les jours. Des regards, des sourires, des pleurs, des éclats de rire, des paroles de pèlerins... se bousculaient dans ma tête...

 

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 Lever de soleil sur la Sierra del Pardon (Navarre - Espagne)

 

Tout aussi intenses, les rencontres, d'autant plus que j'étais seul, "un électron libre"..., mais là, j'ai vécu deux chemins.

L'an dernier, sur les 1000 km de Holbach (Moselle) à Cahors, en passant par Vézelay, peu de pèlerins mais surtout des rencontres au bord du chemin; des échanges brefs mais parfois très poignants; des discussions très approfondies sur les questions que je me posais; beaucoup d'égards à mon encontre...

Mais, c'est l'accueil que l'on m'a réservé pour l'hébergement qui m'avait le plus bouleversé. Quand on reçoit un inconnu qui n'était pas prévu, pour une nuit, voire deux nuits, j'avais du mal à réaliser. Ces regards, ces sourires... continuent à occuper mon esprit.

 

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 Des visages, des prénoms, des rencontres autour d'une table qui faisaient oublier les fatigues de la journée.

 

En repartant cette année, j'avais peur de ne plus connaître ce types de rencontres sur un chemin beaucoup plus fréquenté... surtout en Espagne. Dès le printemps, et dès mon entrée en Espagne, un autre chemin s'ouvrait devant moi. Des pèlerins de toutes nationalités marchaient avec moi: des Européens (d'Espagne à l'Estonie, la Biélorussie, la Finlande, du Royaume-Uni à l'Italie...), des Américains (Etats-Unis, Brésil, Pérou, Porto Rico...) des Asiatiques (Japon, Corée du Sud...), des Australiens, Néo-Zélandais, Africains du Sud... Le chemin s'est internationalisé, ce qui montre bien son universalité. Souvent, je me retrouvais seul Français dans une albergue. Comme je maîtrise relativement bien l'allemand, un peu l'anglais, j'avais peu de difficultés à communiquer. Et comme en France, j'ai eu des rencontres très poignantes, très enrichissantes. Merci Pétra, Isabelle, Kevin, Véro et Lucien, Fernande et Patrick, Francis...et j'en oublie.

 

Bien entendu, le chemin fut « une mine d'or » pour l'ex-professeur d'histoire-géographie ! Traverser la France du Nord-Est au Sud Ouest, c'est découvrir un pan entier de son histoire: des fortifications des deux guerres mondiales de Lorraine aux châteaux-forts du Béarn ou de Navarre, en passant par les beautés architecturales que sont l'abbaye de Fontenay, la cathédrale de Bourges ou la basilique de Vézelay. Et que dire de la géographie ? Toute la variété des paysages est résumée dans le parcours: plateaux lorrain, bourguignon, limousin, du haut Quercy, plaines du Berry, vallées de la Moselle, de la Loire, de la Creuse, de la Dordogne, du Lot, de la Garonne, moyenne montagne avec le Massif Central, haute montagne avec les Pyrénées...

 

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 Le portail mozarabe de l'église San Pedro de la Rua d'Estella (Navarre - Espagne)

 

Et c'est le « Camino francese » en Espagne qui conserve le mieux l'héritage du pèlerinage du Moyen-Age: humbles ermitages, monastères, chapelles St-Jacques dans les cathédrales de Burgos et Leon, « hôpitaux » du Moyen-Age, devenus gîtes pour pèlerins, et bien sûr, la cathédrale de St-Jacques de Santiago... Sculptures, peintures, fresques montrent un St-Jacques, tour à tour apôtre, pèlerin ou « matamore » (tueur de Maures). Légendes, miracles... le merveilleux est quasiment présent à chaque étape.

 

Enfin, le parrainage a aussi répondu à toutes mes attentes. 2682 € versés à l'AMDM. L'an dernier, les 1000 € versés ont permis l'achat de deux vaches et cette année, les 1682 € vont permettre d'équiper la ferme-école de Grégoire d'une cuisine collective. Au nom des enfants du centre, je ne remercierai jamais assez les généreux donateurs. Je pense notamment à ces pèlerins qui m'ont parrainé à la fin d'une étape alors qu'on avait marché quelques instants ensemble, aux Allemandes du printemps dernier, à Fernande... et à Brigitte qui, le matin de mon arrivée à Santiago, devant la cathédrale, me remet un chèque. Mais ce n'est pas parce que j'ai arrêté de marcher qu'il faut arrêter de donner. On peut encore parrainer des kilomètres déjà effectués.

 

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A mon retour, ma famille m'a offert une image d'Epinal qui résume les chemins vers Compostelle.

 

Le 14 octobre, ma famille, des amis très chers... qui m'ont soutenu pendant tous ces mois, sont venus m'accueillir à la gare de St-Avold. Ils avaient préparé une petite fête pour mon retour. Autre moment d'émotion. Un grand merci à tous. Merci aussi à tous ceux qui m'ont encouragé sur le blog, par e-mail, SMS... Défilent aussi dans ma tête les prénoms de tous ceux que j'ai rencontrés au bord du chemin, pendant quelques instants, de ceux qui m'ont hébergé, des hospitaliers, des responsables des gîtes, des albergues...

 

J'ai vécu une expérience unique qui a dépassé toutes mes espérances. La nature m'a offert des spectacles extraordinaires. J'ai vécu dans un monde tel qu'on voudrait qu'il soit, où priment esprit de solidarité, échanges de culture, tolérance, respect, écoute des autres... Le chemin a répondu en grande partie à mes questions.

Encore merci à tous et surtout à Jean François qui a consacré beaucoup de son temps à mettre en ligne les articles.

 

Comme cette année, j'envisage de faire une conférence au mois de mars 2013. Par ailleurs, un concert pour les enfants de Madagascar est envisagé au printemps prochain.

A très bientôt.